jeudi 26 novembre 2015

Parole de poète #2

Le trottoir des morts

J’ai voulu aller voir avec mes yeux et mon cœur tant que je les ai encore.
J’ai acheté un bouquet de roses rouges en chemin
Je n’ai pas dit au fleuriste pour qui c’était.
Et il m’a fait un bouquet pour offrir ce que je tenais à la main 
Comme pour un rendez-vous.
Quand je suis arrivée sur place
J’ai tout de suite su que les fleurs ne me sauveraient pas.
Comment offrir des fleurs à une centaine de morts en même temps
Alignés sur le trottoir du boulevard qui n’est pas fait pour ça.
Je me suis débarrassée de mon bouquet 
Au milieu de toutes les autres fleurs déjà fanées, de lampions éteints et mouillés
De larmes et de pluie.

Je suis muette en dedans. Je regarde
Les gens en longue file silencieuse, certains prennent des photos avec leurs portables
Sans mot eux aussi, comme vidés par cette folie.
Il y a des photos de jeunes gens heureux
Dans des pochettes en plastique, des poèmes
D’amour et de fraternité, restons frères et sœurs contre la haine
Des dessins d’enfants, du bleu-blanc rouge, un pâle soleil de novembre.

Je me demande où sont tous ces morts en ce moment-même ?
Est-ce qu’ils nous voient ?
Une femme s’assoit par terre et rallume les lampions un par un 
Les flammes se remettent à trembler 
Comme au sortir d’un cauchemar.

Je réalise qu’une femme, une seule parmi nous tous, s’est assise avec eux.

Catherine Eveillard
Paris, le 13 nov. 2015
Enseignante bouddhiste

1 commentaire:

  1. Chère Catherine,
    A l'heure où
    Le poême se casse
    A l'endroit, à l'envers des mots
    Fourmis noires qui tâchent
    Encre qui s'écoule avec la peur
    J'échange mon stylo contre un pinceau
    Je remise mon PC pour un étendard
    Celui de l'Amour et de la Paix
    Qui jamais ne s'efface
    A l'heure où
    A l'endroit, à l'envers du saut
    Pour se remettre en selle
    Au flambeau de mon coeur

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